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La Russie coupe les ponts avec l'Otan

La Russie a fermé son bureau de liaison avec l'Alliance atlantique en représailles à des expulsions de ses diplomates accusés d'espionnage. Parallèlement, le chef du Pentagone a entamé une tournée dans la région de la mer Noire, soumise traditionnellement à des ingérences russes.

Le secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, (à droite), a été accueilli à son arrivée à Tbilissi par son homologue, Juansher Burchuladze.
Le secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, (à droite), a été accueilli à son arrivée à Tbilissi par son homologue, Juansher Burchuladze. (Vano SHLAMOV/AFP)

Par Yves Bourdillon, Sophie Amsili

Publié le 18 oct. 2021 à 18:09Mis à jour le 18 oct. 2021 à 18:19

Rupture symboliquement forte, quoiqu'aux conséquences géopolitiques mesurées. La Russie a annoncé ce lundi qu'elle fermait son bureau de représentation auprès de l'Alliance atlantique , ouvert à Bruxelles en 1998, de même que la mission de l'Otan à Moscou s'interrompt.

« Les conditions de base pour un travail en commun ne sont plus là », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, après la décision il y a quelques jours de l'Otan de retirer leur accréditation à huit membres de la mission russe à Bruxelles, accusés d'espionnage.

Les canaux de communications restent ouverts

Pour communiquer en cas « d'urgence », l'Otan devra désormais échanger avec l'ambassade russe à Bruxelles, a précisé le chef de la diplomatie russe. La décision du Kremlin est une nouvelle illustration des tensions croissantes ces dernières années entre les Occidentaux et les Russes, les premiers accusant les seconds d'ingérence électorale, d'espionnage ou encore de cyberattaques.

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Les échanges entre le Kremlin et l'Alliance atlantique s'étaient déjà nettement réduits après l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie en 2014. L'Otan avait alors suspendu toute coopération politique et militaire avec Moscou, mais avait laissé les canaux de communication ouverts.

Les tensions bilatérales récurrentes entre Moscou et Washington n'ont toutefois pas empêché la tenue d'un sommet entre le président américain, Joe Biden et son homologue Vladimir Poutine , en juin, à Genève, ainsi que le prolongement d'un accord de désarmement nucléaire dès l'arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, en janvier. La venue de la numéro trois de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, la semaine dernière à Moscou a aussi été jugée « utile » par le Kremlin.

La décision du Kremlin de ce jour s'explique par le fait que « la Russie ne considère plus vital le dialogue avec les instances occidentales multilatérales établies et consolidées pendant la guerre froide, UE et Otan, avec qui les relations sont dans l'impasse et sans perspectives d'amélioration », souligne Tatiana Kastouéva-Jean, spécialiste de la région à l'Institut français des relations internationales.

Moscou voit aussi que « ces alliances sont remplies de leurs propres contradictions internes et mise probablement justement sur leur paralysie : pour l'UE ce sont le Brexit, les dissensions entre les pays de l'Est et de l'Ouest. Pour l'Otan, ce sont les tensions avec la Turquie ou encore les tensions entre la France et les Etats-Unis », poursuit la chercheuse. En dépit des tensions avec ces organisations occidentales, Tatiana Kastouéva-Jean constate que « depuis la rencontre Poutine/Biden les négociations avancent sur trois axes, les armements, le terrorisme et les cyberattaques ».

Washington veut avancer en mer Noire

L'annonce d'une fermeture de ces deux bureaux de liaison est survenue le jour même où les Etats-Unis marquaient leur intérêt pour la région de la mer Noire, sous influence russe. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a débuté lundi par la Géorgie une tournée qui l'emmènera aussi en Roumanie et en Ukraine.

C'est le premier voyage depuis 2014 d'un chef du Pentagone dans cette région aux liens économiques et historiques avérés avec la Russie, mais poussée par ce voisin parfois rude à regarder vers l'Ouest. La Géorgie et l'Ukraine disposent du statut de partenaire de l'Otan, dont la Roumanie est membre depuis 2004, mais attendent depuis des années d'obtenir le statut de membre à part entière, ce que Moscou vivrait comme une provocation.

L'Alliance atlantique ne se précipite pas non plus, ne serait-ce qu'en raison des ambivalences de la Géorgie, dont le régime est soupçonné d'avoir quelques complaisances envers le Kremlin, et de l'Ukraine, dont la moitié orientale est historiquement plus attachée à la Russie qu'à l'Occident.

Les hésitations de l'Otan commencent, en revanche, à lasser les pro-occidentaux en Géorgie et Ukraine, d'autant plus que se pose la question de l'implication de Washington en Europe. Les Etats-Unis assument, depuis l'annonce du « pivot vers l'Asie » du président Barack Obama en 2012, une nouvelle priorité, faire face à la Chine, illustrée par la signature d'un pacte militaire avec l'Australie et le Royaume-Uni en septembre.

Des incidents navals

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L'ingérence du Kremlin se mesure aussi au fait que deux régions, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, ont été arrachées à la Géorgie par une intervention militaire russe en 2008, tandis que l'est de l'Ukraine échappe depuis 2014 à la souveraineté de Kiev suite à une intervention de soldats russes appuyant les forces séparatistes. Un conflit qui a fait 13.000 morts, gelé aujourd'hui malgré des incidents récurrents. Moscou a aussi annexé la péninsule ukrainienne de Crimée, en mer noire.

« Nous rassurons et renforçons la souveraineté des pays qui sont en première ligne de l'agression russe », a déclaré à la presse un haut responsable de la défense américaine avant le voyage. Les forces aériennes et navales russes mettent de plus en plus au défi les membres de l'Otan dans la mer Noire. En juin, elles ont menacé des navires de guerre hollandais et britanniques qui évoluaient au large de la Crimée. Le chef du Pentagone participera ensuite au sommet des ministres de la Défense de l'Otan à Bruxelles les 21 et 22 octobre.

Sophie Amsili et Yves Bourdillon

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