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En Arménie, colère après l’accord de cessez-le-feu au Haut-Karabakh

Une foule de plusieurs centaines de personnes a bravé l’interdiction de se rassembler à Erevan, alors que l’armée russe s’est positionnée dans la région.

Le Monde avec AFP

Publié le 11 novembre 2020 à 11h28, modifié le 11 novembre 2020 à 17h38

Temps de Lecture 4 min.

La police arménienne a procédé, mercredi 11 novembre, à de nombreuses arrestations de manifestants qui se rassemblent par centaines à Erevan.

Deux à trois mille personnes ont manifesté, mercredi 11 novembre, à Erevan, malgré l’interdiction des autorités, pour dénoncer l’accord de fin des hostilités au Haut-Karabakh consacrant une victoire de l’Azerbaïdjan, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse. Ce rassemblement a été organisé à la mi-journée à l’appel de l’opposition sur la place emblématique de la liberté dans le centre de la capitale arménienne, mais était théoriquement interdit du fait de la loi martiale en vigueur dans le pays depuis le début du conflit.

Dans un climat tendu, la police présente en nombre a procédé, dans un premier temps, à des arrestations, notamment de militants et responsables du parti Arménie prospère. « Ce rassemblement est interdit, dispersez-vous immédiatement », a prévenu, de façon répétée, un officier au mégaphone.

D’abord quelques dizaines, dont des députés, les militants ont été peu à peu rejoints par des centaines de personnes, hommes et femmes, scandant des slogans hostiles au premier ministre arménien, Nikol Pachinian : « Nikol, traître », « Nikol, dégage », ou encore « le Karabakh n’est pas à vendre ». Sous la pression, après quelques bousculades et empoignades, les policiers, qui ont pris position sur les marches du grand opéra d’Erevan, toujours sur cette même place de la liberté, ont finalement laissé le rassemblement se dérouler normalement.

« Vous ne pourrez pas arrêter tout le pays »

La police arménienne a procédé, mercredi 11 novembre, à de nombreuses arrestations de manifestants qui se rassemblent par centaines à Erevan

« Vous ne pourrez pas arrêter tout le pays », a crié au mégaphone un député du parti Arménie prospère, Arman Abovian, applaudi par les protestataires, poing levé et dénonçant la « capitulation » du premier ministre face à l’Azerbaïdjan.

Dans la foule, se trouvaient beaucoup d’Arméniens originaires du Haut-Karabakh ou des proches de combattants envoyés au front, furieux que le « sacrifice » des leurs n’ait « servi à rien ». « Le premier ministre nous a vendus, il a vendu notre terre, notre maison », s’époumone devant les caméras une quadragénaire en pleurs. Des jeunes filles en larmes, furieuses, apostrophaient les policiers ou les nombreux journalistes présents.

Après deux heures de discours et de harangues, les manifestants ont finalement pris, dans le calme, la direction du siège du gouvernement, à près d’un kilomètre de là, sur la place de la République, où la police était déployée, puis du Parlement. Celle-ci a arrêté 135 personnes avant de les relâcher plus tard, selon un porte-parole interrogé par l’AFP.

Le siège du gouvernement et le Parlement avaient été envahis dans la nuit de dimanche à lundi par des centaines de manifestants en colère, peu après l’annonce par le premier ministre de l’accord de cessez-le-feu avec l’Azerbaïdjan. Les forces de l’ordre ont, depuis, repris le contrôle des deux bâtiments.

Reconnaissance de victoires militaires azerbaïdjanaises

Après six semaines d’affrontements meurtriers pour la région indépendantiste du Haut-Karabakh, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont signé mardi un accord de fin des hostilités sous l’égide de Moscou, les forces arméniennes étant au bord de la débâcle. Cet accord consacre d’importantes victoires militaires azerbaïdjanaises dans cette région montagneuse du Caucase, à l’issue de combats qui, selon un bilan très partiel, ont fait quelque 1 500 morts.

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Jugé responsable de cette défaite humiliante par l’opposition, Nikol Pachinian a défendu mercredi sa décision, soutenant que signer la cessation des hostilités avait été le seul moyen de préserver la survie de la république autoproclamée du Nagorny Karabakh, même si celle-ci est affaiblie et amoindrie. « Nous avons gardé ce que nous n’aurions pas pu conserver » en cas de poursuite des combats, a affirmé sur Facebook M. Pachinian, héros d’une révolution pacifique en 2018.

Peu après l’annonce de l’accord, des centaines de manifestants en colère avaient investi mardi le siège du gouvernement et du Parlement, brisant des vitres et saccageant des bureaux. A l’inverse, la nouvelle a déclenché des scènes de joie en Azerbaïdjan, le président Ilham Aliev se réjouissant d’une « capitulation » arménienne.

Mercredi, M. Aliev a clamé devant les militaires que son pays avait remporté une « victoire brillante » et estimé que Nikol Pachinian avait été « suffisamment humilié » et « puni pour ses actes ignobles ». Il a, par ailleurs, dit vouloir une « compensation » de l’Arménie pour les destructions « matérielles et morales » de cette guerre.

Déploiement de soldats russes

L’accord de fin des hostilités prévoit notamment la rétrocession à Bakou de sept districts azerbaïdjanais, sorte de glacis de sécurité entourant le Haut-Karabakh, et le déploiement d’une force de maintien de la paix russe. L’Azerbaïdjan a aussi conquis des territoires dans le nord et le sud de la république sécessionniste.

Les terres restant sous contrôle arménien ne seront reliées à l’Arménie que par le corridor de Latchin, une bande de terre de cinq kilomètres de large, dont la sécurité sera garantie par la Russie. C’est là que les premiers soldats de la paix russes ont été déployés mercredi, sécurisant cette route vitale pour le Haut-Karabakh. Quelque 400 des 1 960 soldats russes qui doivent être déployés entre Arméniens et Azerbaïdjanais ces prochains jours sont arrivés en Arménie, selon le général russe Sergueï Roudski.

Avec cet accord, le président Vladimir Poutine a conforté sa position dans le Caucase du Sud, renforçant la dépendance de l’Arménie à l’égard de la Russie et déployant pour la première fois des troupes en territoire azerbaïdjanais. La Turquie, grand soutien de Bakou, a aussi gagné en influence, et devra jouer un rôle dans l’observation de l’application du cessez-le-feu.

L’accord signé en début de semaine ne prévoit, cependant, aucun mécanisme de règlement durable de la question du Karabakh, qui empoisonne la région depuis la chute de l’URSS.

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Le Monde avec AFP

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