Huit mois après la défaite subie par l’Arménie dans le Haut-Karabakh, une région d’Azerbaïdjan contrôlée depuis les années 1990 par des séparatistes arméniens soutenus par Erevan, des cartes sont devenues l’un des principaux sujets de contentieux entre les deux pays.

Celles-ci marquent en effet l’emplacement de champs de mines disséminés à travers le Haut-Karabakh et le reste d’une région contrôlée pendant presque trente ans par l’Arménie, et que Bakou réclame depuis la signature du cessez-le-feu en novembre 2020. Signe de leur importance, elles se sont transformées pour l’Arménie en monnaie d’échange : le 12 juin puis à nouveau le 3 juillet, les deux pays ont annoncé avoir échangé 30 prisonniers arméniens contre des plans donnant la position de près de 200 000 mines à travers la région.

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Pour Bakou, cette contamination des sols représente le principal obstacle au « Grand retour », un plan de rapatriement des quelque 600 000 citoyens azéris expulsés par les troupes arméniennes lors de la première guerre du Haut-Karabakh, achevée en 1994. Un retour qui ne pourra se faire sans d’énormes investissements en infrastructures et un déminage préalable.

L’attrait du retour

« La priorité est de soutenir les opérations de reconstruction, nous opérons en fonction des projets d’infrastructure », explique Samir Poladov, directeur adjoint de l’agence de déminage azérie (Anama). Près de la ligne de démarcation entre l’Azerbaïdjan et les territoires encore tenus par les séparatistes arméniens, les troupes russes de maintien de la paix ont, elles aussi, entamé des opérations de déminage.

Malgré les panneaux rouges à tête de mort sur les bords de route, l’attrait du retour reste trop fort pour certains : d’après les chiffres de l’Anama, 17 civils ont été tués et 32 blessés par des mines et autres engins explosifs depuis la fin du conflit, en majorité des personnes venues revisiter leur village natal après plusieurs décennies d’absence. Deux journalistes azéris ainsi qu’un officiel sont morts en juin dans l’explosion d’un de ces engins.

« Je comprends ceux qui souhaitent depuis de longues années retourner dans leurs maisons, mais je dois vous demander d’attendre un peu plus longtemps, jusqu’à ce que le travail de déminage soit terminé », a déclaré l’autoritaire président Ilham Aliyev en février.

Un lent déminage

L’expulsion des Azerbaïdjanais dans les années 1990, mais aussi le récent exil forcé des populations arméniennes qui vivaient dans les territoires repris par l’Azerbaïdjan l’année dernière, complique la tâche des démineurs. « Lorsque nous effectuons des relevés préliminaires, la population locale est généralement la première source d’information, mais dans ce cas-là, il n’y en a plus », concède à Bakou Samir Poladov. Les autorités azéries assurent que les mines ont été posées en deux vagues : d’abord dans les années 1990, puis l’année dernière lors de la retraite des troupes arméniennes.

Le travail est lent et méticuleux, et pourrait durer au moins une décennie. Dans une zone du sud du pays non loin de la frontière iranienne, 35 démineurs de l’Anama (sur les quelque 550 déployés dans l’ensemble de la région) déblaient les 30 mètres autour d’un futur rail de chemin de fer devant, à terme, mener à l’enclave azérie de Nakhitchevan. Une zone de 1 200 mètres de long et 60 de large, fouillée depuis le mois de janvier et dans laquelle les démineurs ont déjà trouvé plus de 1 000 mines. « C’est un mélange d’anciennes et de nouvelles mines, de mines antipersonnel et anti-tank », assure Mamat Mamedov, l’un des représentants de l’Anama.

Le problème n’est pas non plus limité à la zone sous contrôle de l’Azerbaïdjan : dans la ville de Stepanakert, toujours tenue par l’autoproclamée république d’Artsakh, les autorités locales ont annoncé en janvier avoir désamorcé près de 30 000 explosifs. Ni l’Azerbaïdjan ni l’Arménie ne sont signataires de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel.

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Le conflit du Haut-Karabakh en dates

Le Haut-Karabakh, peuplé majoritairement d’Arméniens, a fait sécession de l’Azerbaïdjan, entraînant une guerre qui a fait 30 000 morts dans les années 1990.

Entre les 27 septembre et 10 novembre 2020, l’Azerbaïdjan a lancé, avec le soutien de la Turquie, une guerre totale contre les Arméniens de la République autoproclamée du Haut-Karabakh. Des combats qui ont tourné à l’avantage de Bakou.

Les Russes, qui disposent d’une base en Arménie, ont déployé 2 000 soldats de maintien de la paix pour cinq ans minimum.

Un bilan humain élevé : jusqu’à 8 000 combattants, les deux côtés confondus, auraient perdu la vie durant ce conflit de 44 jours.

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