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Haut-Karabakh : Vladimir Poutine confirme un accord de « cessez-le-feu total » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Une foule de manifestants en colère a envahi le siège du gouvernement arménien à Erevan, dénonçant un accord de fin des hostilités qui consacre la victoire militaire de l’Azerbaïdjan.

Le Monde avec AFP

Publié le 10 novembre 2020 à 00h18, modifié le 11 novembre 2020 à 10h33

Temps de Lecture 5 min.

Des centaines d’Arméniens ont protesté contre l’accord de paix avec l’Azerbaïdjan, dans les bâtiments du gouvernement, à Erevan, le 9 novembre.

L’Azerbaïdjan et l’Arménie ont signé, sous l’égide de la Russie, un accord de fin des hostilités dans le conflit du Haut-Karabakh, qui consacre les victoires militaires azerbaïdjanaises après six semaines de combats meurtriers. Le président russe, Vladimir Poutine, a lui-même confirmé cet accord entré en vigueur à 22 heures, heure de Paris, lundi 9 novembre.

« Le 9 novembre, le président de l’Azerbaïdjan [Ilham Aliev], le premier ministre de l’Arménie, [Nikol] Pachinian, et le président de la Fédération de Russie ont signé une déclaration annonçant un cessez-le-feu total et la fin de toutes les actions militaires dans la zone du conflit du Haut-Karabakh à partir de minuit le 10 novembre, heure de Moscou », a rapporté Vladimir Poutine, selon une déclaration diffusée dans la nuit de lundi à mardi aux médias. Les belligérants gardent, au terme de cet accord, « les positions qu’ils occupent ».

La Russie est en train de déployer près de 2 000 soldats de la paix pour assurer le respect du texte, qui prévoit notamment que l’Azerbaïdjan reprenne le contrôle de plusieurs districts qui lui échappaient, et le maintien d’un corridor terrestre reliant les territoires encore sous contrôle séparatiste et l’Arménie. M. Poutine a souhaité que cet accord puisse mener « à la création des conditions nécessaires pour un règlement durable » du conflit.

De son côté, la Turquie a fait savoir qu’elle contrôlerait avec la Russie l’application du cessez-le-feu. Elle « mènera des activités d’observation et de contrôle avec la Russie, au moyen d’un centre conjoint qui sera établi dans un lieu choisi par l’Azerbaïdjan », a rapporté la présidence turque dans un communiqué diffusé mardi à l’issue d’un entretien téléphonique entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine.

Lors de cet entretien, M. Erdogan a estimé que cet accord de cessation des hostilités était « un pas dans la bonne direction pour l’établissement d’une solution durable ». Il a affirmé, toujours selon la présidence turque, que « le point le plus important est le respect par l’Arménie des engagements listés dans le cessez-le-feu ».

« Chassés de nos terres comme des chiens »

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a qualifié cette initiative de cessez-le-feu d’« incroyablement douloureuse pour moi et pour notre peuple ». Sur sa page Facebook, il explique qu’il a pris la décision de signer l’accord « à la suite d’une analyse approfondie de la situation militaire, et de l’évaluation des personnes qui connaissent le mieux la situation. Elle est aussi fondée sur la conviction que c’est la meilleure solution possible à la situation actuelle », et il ajoute :

« Ce n’est pas une victoire, mais il n’y a pas de défaite tant que vous ne vous reconnaissez pas comme un perdant. Nous ne nous reconnaîtrons jamais comme des perdants, et cela devrait être le début de notre ère d’unification nationale et de renaissance. »

De son côté, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, s’est félicité d’une « capitulation » de l’Arménie. « J’avais dit qu’on chasserait [les Arméniens] de nos terres comme des chiens, et nous l’avons fait », a-t-il déclaré à la télévision.

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Dès l’annonce de cet accord, une foule de milliers de manifestants en colère s’était rassemblée aux abords du siège du gouvernement arménien à Erevan. Des centaines d’entre eux avaient pénétré dans les locaux, brisant des vitres et saccageant des bureaux. « Nikol est un traître », scandaient les manifestants, avant que la police arménienne ne reprenne le contrôle du siège du gouvernement et du Parlement mardi matin.

Après l’annonce d'accord de paix, quelques milliers d’Arméniens ont manifesté leur désaccord sur la place de la République, à Erevan, le 9 novembre.

Une défaite militaire dans le Haut-Karabakh a de quoi menacer l’avenir du premier ministre arménien, porté au pouvoir au terme d’une révolte populaire en 2018. Dix-sept partis d’opposition, dont certains des plus importants, avaient réclamé avant même l’accord de fin des hostilités la démission de M. Pachinian et de tout son gouvernement.

Macron demande « un règlement politique durable »

Emmanuel Macron a demandé mardi de travailler à un « règlement politique durable » qui « préserve les intérêts de l’Arménie » et « demande fermement à la Turquie de mettre fin à ses provocations » dans ce conflit, a fait savoir l’Elysée.

« Un travail devra être mené sans tarder pour définir les paramètres d’un règlement politique durable du conflit, qui puisse assurer le maintien dans de bonnes conditions des populations arméniennes au Haut-Karabakh et le retour des dizaines de milliers de personnes qui ont fui leurs habitations », rappelle l’Elysée, précisant que « dans ce moment difficile, la France se tient au côté de l’Arménie ».

Aux Etats-Unis, un porte-parole du département d’Etat a indiqué : « Nous avons pris note des dispositions de l’accord de cessation des hostilités conclu sous l’égide de la Russie et nous serons intéressés d’apprendre les détails et les modalités de son application au fur et à mesure qu’il sera appliqué. »

Plus tôt dans la journée, la Turquie avait salué la « grande victoire » de l’Azerbaïdjan face à l’Arménie au Haut-Karabakh. « C’est un grand succès pour l’Azerbaïdjan. Des terres qui étaient occupées depuis trente ans ont été reconquises », a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, dont le pays a pris fait et cause pour Bakou dans le conflit. « Que cela serve de leçon » à l’Arménie, a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse avec son homologue kirghize à Ankara.

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De son côté, l’Iran a salué l’accord de cessez-le-feu tout en réitérant son exigence de voir partir « tous les combattants étrangers » de cette région proche de sa frontière.

Plus de 1 300 morts depuis la fin de septembre

Depuis la fin de septembre, les combats les plus sanglants en près de trente ans opposent les séparatistes arméniens et l’armée azerbaïdjanaise dans le Haut-Karabakh. Bakou veut reprendre le contrôle de cette province qui a fait sécession pour devenir de facto indépendante au début des années 1990, à l’issue d’une guerre qui fit plus de 30 000 morts. Peuplé aujourd’hui quasi exclusivement d’Arméniens, ce territoire était rattaché à l’Azerbaïdjan à l’époque soviétique, mais est considéré par les deux pays comme une partie intégrante de leur histoire.

L’annonce d’un accord de fin des hostilités survient alors que les forces azerbaïdjanaises affirmaient avoir pris Chouchi, ville stratégique à 15 kilomètres de la capitale séparatiste Stepanakert et située sur l’artère vitale reliant la république autoproclamée à son parrain arménien. La chute de cette localité était considérée comme un tournant de la guerre.

Dans les bâtiments du gouvernement après l’annonce de l’accord de paix, à Erevan, le 10 novembre.

Le conflit a fait au moins 1 300 morts depuis le 27 septembre, selon des bilans très partiels, l’Azerbaïdjan n’ayant jamais annoncé ses pertes militaires. Depuis des semaines, la Russie et d’autres puissances tentaient d’obtenir un cessez-le-feu, mais trois tentatives de trêve humanitaire ont échoué à chaque fois juste après l’entrée en vigueur.

Avant l’annonce de l’accord dans la nuit de lundi à mardi, la journée avait été marquée aussi par un hélicoptère Mi-24 de l’armée russe abattu par erreur par l’Azerbaïdjan au-dessus de l’Arménie. La partie azerbaïdjanaise s’est excusée pour « cet incident tragique ».

La Russie est la puissance régionale dans le Caucase du Sud. Elle est une alliée militaire de l’Arménie mais a aussi de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan, deux ex-républiques soviétiques. Moscou avait mis en garde à de nombreuses reprises sur le fait que le conflit du Haut-Karabakh pouvait déborder de ses frontières, sous-entendant qu’elle interviendrait le cas échéant.

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Le Monde avec AFP

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