Comme de nombreux Arméniens de la diaspora, je ne suis jamais allée dans le Haut-Karabakh. Je n’ai jamais fait les six heures de route en marchroutka (un minibus) entre sa capitale Stepanakert et la capitale arménienne, Erevan – un trajet de trente-cinq minutes en avion, si ce n’est que l’Azerbaïdjan menace d’abattre les avions de ligne dans cet espace aérien.

Je n’ai jamais visité les monastères anguleux nichés dans les montagnes luxuriantes et datant du Moyen Âge, pas plus que je ne me suis retrouvée face à Tatik yev Papik (mamie et papi) – monument soviétique en roche volcanique, composé de deux visages géants aux épais sourcils, typiques des Arméniens.

Et je n’ai jamais été forcée de fuir mon pays.

La diaspora conserve un lien direct avec le génocide

Malgré tout, mon histoire familiale est indissociable de l’exode des Arméniens contraints de quitter leur terre ancestrale. À la période où le régime des Jeunes-Turcs a tué 1,5 million d’Arméniens – un génocide qui s’est prolongé de 1915 à 1923 –, mes grands-parents ont fui la région arménienne de Cilicie, dans le sud de la Turquie, vers Alexandrette, à l’époque rattachée à la Syrie. Quand ce territoire est tombé aux mains des Turcs juste avant la Seconde Guerre mondiale, ils se sont enfuis à Beyrouth. C’est là que mon père est né et a grandi (la guerre civile libanaise les a poussés à fuir de nouveau, à Chypre, puis ils sont arrivés au Royaume-Uni). Faute de noms, on trouve sur six branches de mon arbre généalogique la mention “perdu de vue”.

La majorité d’entre nous – une diaspora mondiale de 8 millions de personnes, soit plus du double de la population en Arménie – conserve un lien direct avec